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Anarchie aux Antilles, grèves en Bretagne, anniversaire des Gilets jaunes : quand « l’odeur de l’essence » monte au nez de la macronie

Tandis que le gouvernement agite le spectre d’une 5e vague épidémique, des mouvements sociaux inédits prennent de l’ampleur dans les territoires. La promesse d’une fin d’année musclée pour Emmanuel Macron.

Image d'illustration

« De toute la politique, il n’y a qu’une chose que je comprenne, c’est l’émeute », disait Flaubert. Sans doute la macronie parle-t-elle le même langage que l’illustre écrivain. Comment comprendre sinon que les Guadeloupéens n’aient eu d’autre choix que d’entamer une grève insurrectionnelle pour se faire entendre à Paris ? Tirs à balles réelles sur la police, grève générale, barricades, pillages… Passé un an et demi de précarisation accélérée due à la Covid-19, la paix civile ne tenait qu’à un fil dans les Antilles françaises. Finalement, « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase » fut la mise en place de l’obligation vaccinale, explique Maïté Hubert M’Toumo, patronne du syndicat majoritaire UGTG, dans le Figaro. S’agit-il donc d’une révolte antivax ? Pas seulement. Avec 50% de la population locale vaccinée, l’île affiche certes une réticence non-dissimulée à l’égard de la politique sanitaire du gouvernement. Mais la contestation semble surtout prendre racine dans des questions d’ordre social.

Guadeloupe, la Kronstadt française ?

En empêchant de travailler des salariés déjà fortement précarisés, sous prétexte qu’ils refusaient de se faire vacciner, le gouvernement a involontairement plongé des familles entières dans la pauvreté. « On ne peut pas priver ces personnes de salaire, sachant les difficultés que nous rencontrons au niveau de la Guadeloupe », pestait Ary Chalus, président de la région, lundi dans l’Express. Difficile de le contredire : le seuil de pauvreté local guadeloupéen ne s’élève qu’à 790 euros, contrairement à celui de la métropole qui est de 1 020 euros. Pourtant, même avec un seuil si bas, l’Insee recensait environ 23 000 pauvres sur l’île en 2020. Soit 34% de la population…

Conscient des inégalités profondes qui minent le quotidien des Guadeloupéens, Chalus a tenté de prévenir les autorités des conséquences que pouvaient avoir une telle politique vaccinale. Mais le dialogue n’est jamais facile avec un gouvernement encore persuadé qu’envoyer des porte-paroles à « Touche Pas à Mon Poste » peut compenser un manque d’implantation locale. « J’ai eu le courage d’appeler le ministre de la Santé pour rapidement trouver une solution [afin] d’éviter absolument ce qui se passe, racontait-il samedi sur France Info. J’ai eu un retour négatif à la limite du mépris. » La macronie n’a-t-elle donc rien n’appris du mouvement des Gilets jaunes ? Outrepassant les “corps intermédiaires” et les élus des territoires, Matignon a une fois encore laissé s’envenimer la situation, comme elle l’avait fait lors de la mise en place de la désormais célèbre “taxe carbone”. Trois ans plus tard, le résultat est le même : l’insurrection. Et comme en novembre 2018, il n’a pas fallu plus de deux jours pour que les revendications du mouvement s’élargissent, dépassant de très loin le cadre sanitaire.

Sur les barricades de Pointe-à-Pitre, voilà un moment qu’on ne parle plus que du coronavirus. En plus de la suppression du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale, les organisations mobilisées ont listé 32 revendications pour mettre fin à la crise. Dont notamment : « L’augmentation généralisée des salaires, des minima sociaux, des allocations chômage et des pensions de retraite en même temps que l’augmentation des prix », « le remplacement de tous les départs à la retraite », « l’arrêt des licenciements, dans le privé et des suppressions de postes, dans le public », « l’embauche massive de titulaires, dans toutes les fonctions publiques, à la poste, dans les écoles, à l’université »… Des exigences certes élevées, mais peu surprenantes compte tenue de la situation en outre-mer.

Avec un taux de chômage de 17% touchant plus d’un tiers des jeunes, le mouvement était condamné à prendre une tournure plus sociale. Quitte à se transformer en lutte des classes frontale. C’est d’ailleurs sous la forme d’une grève lancée le 15 novembre par un collectif syndical, comprenant l’Union générale des travailleurs guadeloupéens, que les insulaires ont en premier lieu fait connaître leur mécontentement. D’abord cantonnée aux professions du médico-social et des pompiers, le mouvement a pris de l’ampleur jusqu’à muter en grève générale effective, avec le concours des enseignants ainsi que des professionnels de l’hôtellerie et de la restauration. Loin de l’image d’Epinal de la grévette métropolitaine, les manifestants guadeloupéens ont dès le début du mouvement ravivé les feux du syndicalisme révolutionnaire à la française. A peine la grève eut-elle débuté que des blocages paralysaient déjà une bonne partie de l’île. En marge des manifs, des affrontements violents éclataient également entre force de l’ordre et pompiers :



Des images désolantes qui n’ont pas participé à l’apaisement des tensions, bien au contraire. Chauffés à blancs, certains “grévistes” ou prétendus soutiens du mouvement sont allés jusqu’à déclencher des émeutes nocturnes tout au long du weekend alors qu’un couvre-feu était en vigueur, ouvrant la voie à des gangs de pillards venus cambrioler des magasins, voler des voitures et parfois même des armureries, comme dans la nuit du vendredi 19 novembre. Pire encore, un coffre-fort contenant des armes de guerres aurait également été dérobé le même soir dans les locaux de la douane de Pointe-à-Pitre. « A l’intérieur, des pistolets 9 mm semi-automatiques Sig-Sauer, un fusil à pompe et un pistolet automatique 9 mm », révèle Europe 1. Et ce n’est pas tout : les cambrioleurs ont également récolté près de 2 000 munitions. Une nouvelle qui n’a rien de rassurant considérant que la police, la gendarmerie et les pompiers ont déjà essuyé des tirs à balles réelles lors des émeutes.


Reste à savoir si les grévistes sauront se distancier de ce lumpenprolétariat mafieux, dont Friedrich Engels rappelait déjà dans La Guerre des Paysans (1850) que « de tous les alliés possibles » des ouvriers, il était « le pire ». Car il permet à l’Etat d’associer la grève à la pègre et de justifier ainsi une répression des plus dures qui soit. Pour le moment, les Guadeloupéens semblent de leur côté différencier nettement le mouvement des insurgés des agissements de la mafia locale : « Il y a ceux qui militent véritablement contre le passe sanitaire, mais il y a ceux qui viennent se greffer, qui cassent, volent des voitures, les brûlent », affirmait notamment une habitante sur TF1, le 22 novembre. « Il y a deux types de populations sur les barrages: ceux de la journée qui militent contre l’obligation vaccinale et le passe sanitaire, et ceux de la nuit, cagoulés, armés. C’est vraiment très distinct », expliquait à son tour un autre habitant dans le Figaro.

Du côté de l’exécutif, le discours reste plus ambigu. Le président de la République s’est d’abord publiquement inquiété d’une situation « très explosive », rappelant à son gouvernement qu’il fallait : « Expliquer, expliquer, expliquer. Convaincre, convaincre, convaincre. » Une sortie pédagogique qui n’a pas empêché Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, d’envoyer des renforts sur l’île, dont environ 35 unités du GIGN et du RAID équipés de blindés, sans oublier de mobiliser tous les effectifs de police de la région. Quoique qu’assez alarmant, le durcissement de ton du gouvernement ne semble absolument pas endiguer la protestation. Aujourd’hui encore, les barrages paralysent la circulation tandis que les rayons des magasins se vident. Rien qui ne fasse trembler leurs voisins de la Martinique, qui ont également lancé un mouvement de grève générale en soutien à la Guadeloupe lundi dernier.

Ne reste plus que la Guyane et toutes les conditions seront réunies pour recréer un mouvement comparable à la grande grève de 2009… Acculé, Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, a déclaré mardi qu’il allait effectuer un déplacement sur l’île, sans pour autant donner de date précise ni davantage d’informations au sujet de son intervention. Seulement quelques mesurettes en attendant : tests PCR gratuits toutes les 72h pour les pompiers et pas de suspension, vaccins sans ARN pour les réticents… Mais pas question de renoncer aux grandes lignes de la politique sanitaire : « Il y aurait quelque chose de scandaleux à ne pas appliquer la loi de la République sur l’obligation vaccinale des soignants et des pompiers en Guadeloupe », s’est écrié Lecornu. Certes, mais l’heure tourne et le mouvement s’étend.

Grèves en Bretagne : les employés modèles se rebiffent

Si les images spectaculaires des émeutes guadeloupéennes ont largement occupé le paysage médiatique la semaine dernière, un autre mouvement métropolitain plus silencieux est passé sous les radars. En Bretagne, une sourde épidémie de grèves gagne le secteur agroalimentaire, pourtant réputé pour être relativement hermétique à l’agitation sociale. « Greenyard Frozen à Moréac, Gaillard pâtissier à Locminé, Gelagri à Loudéac… Les débrayages se sont multipliés devant des usines qui ne connaissaient pas ou très peu la contestation », peut-on lire dans le Monde. Spontané et ne résultant pas d’un « appel fédéral à faire grève », comme le souligne Ronan Le Nézet, secrétaire CGT de l’union locale Pontivy-Loudéac dans le quotidien, ce mouvement est une première en Bretagne. Et dans une région où l’agroalimentaire représente environ « 40 % des emplois industriels », un débrayage “sauvage” de la sorte pourrait bien avoir des conséquences politiques lourdes.

Les revendications des grévistes ? Tout d’abord, des demandes typiques des mouvements ouvriers. A savoir : améliorations des conditions de travail, baisse des cadences et titularisation des intérimaires pour éviter une trop grande rotation des effectifs. Mais le mouvement ne se borne pas à la question de la gestion du travail. Bien entendu, les salariés exigent également une revalorisation des salaires pour faire face à « l’inflation » et « l’augmentation du prix de l’essence ». Avec des revenus oscillants entre le smic et 1 600 euros, les Bretons n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Des problématiques qui ne sont pas sans rappeler celles de leurs compatriotes d’outre-mer exposées plus haut. Ou encore celles des Gilets jaunes, qui fêtaient dans le bruit et la fureur leur troisième anniversaire le weekend dernier. Moins nombreux qu’auparavant et sombrant dans la violence du fait de groupes organisés dans les “cortèges de tête”, la révolte des ronds-points semble plus que jamais à bout de souffle. Pourrait-elle trouver un nouvel élan dans les mouvements des territoires ? Les prochaines semaines le diront.



 

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