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Afrique et restitutions « Repentance, réparation, désaffectation ! » : un passé qui ne passe pas !

lecho.be : Dans notre enquête, nous avons fait dialoguer les camps qui s’opposent sur la question des restitutions: les États propriétaires des objets, les diasporas, le monde de l’art et les États africains.

Image d'illustration

Nos musées renferment des objets, européens ou extra-européens, issus de pillages, de butins, mais aussi de transferts de souveraineté, de transactions et de partages pacifiques. Le retour de certaines pièces vers leur territoire d’origine était un enjeu avant les décolonisations: aux Pays-Bas, dès 1907, ou en 1897 avec des demandes de communautés congolaises aux autorités belges.

En 2017, la France a lancé des «restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique» et rendu ce mardi au Bénin les 26 pièces du Trésor d’Abomey.

Paris a entraîné plusieurs pays dans son sillage: l’Allemagne va rendre quelques 500 bronzes inestimables au Nigeria. La Belgique emboîte le pas: l’Académie Royale a commandé un rapport à la juriste Marie-Sophie de Clippele et à l’historienne Yasmina Zian, et la Commission spéciale à la Chambre clôture le sien sur les analyses d’Anne Wetsi Mpoma, penseuse décoloniale et fondatrice de la Wetsi Art Gallery. Enfin, en juillet 2021, Thomas Dermine, secrétaire d’État à la Politique scientifique, annonçait les choix du gouvernement.

Benoît Gors, juriste écouté en haut lieu, souligne que rien n’impose de restituer les biens «illégitimes». Des textes «internationaux postérieurs, hétérogènes et non rétroactifs interdisent les exportations illicites et prévoient un retour à l’État d’origine. L’État propriétaire gère ces biens selon le droit et veille à leur pérennité: ces collections inaliénables, imprescriptibles et insaisissables appartiennent au domaine public.» En tout état de cause, en France comme en Belgique, le possesseur public ou privé est présumé de bonne foi, en dépit de procédures pénales ou douanières le forçant à la prouver.

Repentance, réparation, désaffectation

Le gouvernement belge prend là une position morale, inscrite dans une volonté de repentance et de réparation, solution à un passé traumatique, qui se veut consensuelle, souligne Gors: le droit sert «d’habillage» au choix politique du secrétaire d’État. La «désaffectation» des objets «douteux» peut relever d’un arrêté ministériel ou royal mais la «restitution» avec transfert de propriété (juridique) et remise matérielle exigerait une loi, a fortiori en cas d’accord bilatéral avec le Congo. La Belgique rendrait à l’État d’origine, qui gérerait ou céderait ces biens à une institution ou une communauté.

« L’État propriétaire gère ces biens selon le droit et veille à leur pérennité: ces collections inaliénables, imprescriptibles et insaisissables appartiennent au domaine public. »

BENOÎT GORS

AVOCAT

Yves-Bernard Debie, avocat bruxellois de musées et collectionneurs internationaux d’arts antiques et premiers, est plus tranché: «Les collections de Tervuren ne sont pas ‘mal acquises’. Aucune loi en vigueur avant ou pendant la colonisation n’a été enfreinte. Aucune règle internationale ou belge ne remet en cause la légalité de leur possession». Cette politique, dit-il, méconnaît l’histoire, les enjeux et le droit: «Pourquoi restituer et sur quel critère? Le vol, qualification inapplicable? L’inégalité entre colonisé et colonisateur? Si l’on revisite toute l’Histoire sous l’angle des iniquités, toutes les collections devront être redistribuées.» Cette doctrine lui semble imprudente: «Si la période coloniale est infractionnelle, tout doit être rendu, y compris les ressources: richesses minières, forestières, main-d’œuvre… Le cuivre, le cobalt, l’or, l’étain arrachés par le travail obligatoire sont-ils moins mal acquis que les fétiches luba ou songye? L’État en est-il conscient?»

À titre personnel, Mathilde Leduc-Grimaldi, conservatrice franco-américaine au musée de Tervuren regrette qu’aucun État européen ne se soit penché sur la loi américaine NAGPRA (Native American Grave and Protection Act, 1992): après un siècle de contentieux, ce texte s’est centré sur les objets religieux, sacrés et funéraires, sans pathos de repentance, ce qui semble avoir favorisé le processus de retour.

« Si l’on revisite toute l’Histoire sous l’angle des iniquités, toutes les collections devront être redistribuées. »

YVES-BERNARD DEBIE

AVOCAT BRUXELLOIS DE MUSÉES ET COLLECTIONNEURS INTERNATIONAUX

Ce que disent les Africains et la diaspora

Le processus engagé suppose de «reconstituer la connaissance de ces objets, avec des chefs coutumiers et des initiés qui en conservent la pratique», pense Henry Bundjoko, directeur du Musée national de la RDC. En Occident, notamment à Tervuren, ces pièces ont en quelque sorte «travaillé»: en contrepartie, la Belgique devrait donc coopérer et financer cette démarche avec le Congo. L’Institut des Musées Nationaux du Congo (IMNC) a anticipé: il peut aisément recevoir les 900 premiers objets de Tervuren, notamment dans son nouveau musée national, et d’autres retours en ouvrant des musées en province. Les exposer dans leur milieu d’origine les «extraira de leur ‘mutisme’ symbolique», en les rendant «parlants», croit Bundjoko.

Trois types de spoliation réclament restitution, récapitule Francis Tagro Gnoleba, sous-directeur du Musée des Civilisations de Côte d'Ivoire, à Abidjan (créé à l’époque coloniale): «Le propriétaire dupé; les missionnaires exigeant le désenvoûtement et l’incinération des objets, mais les expédiant en Europe; les expéditions punitives et leur butin de suprématie, avec confiscation d’objets communautaires majeurs. Les autres resteront où ils sont, matière à partages car ces objets du patrimoine mondial «nous appartiennent autant qu’à vous»

Anne Wetsi Mpoma, membre du Comraf (Comité MRAC-Associations africaines), à Tervuren, confiait récemment à notre confrère Xavier Flament avoir fait partie des premières avec le Bamko (Centre Féministe de réflexion et d’action sur le racisme anti-Noir.e.s) à poser ouvertement la question: «Trouve-t-on normal d’exposer des objets pris dans de telles circonstances, décontextualisés de leur milieu d’origine, comme si c’était leur finalité? Ces objets-trophées réitèrent la domination coloniale. Selon moi, ces restitutions ne doivent pas se faire d’État à État: les objets doivent revenir aux propriétaires initiaux. Quant aux critères de conservation, établis au xixe siècle, hygrométrie, manipulation avec des gants, etc., je ne peux y adhérer. Toutefois, les États africains développant leur tourisme, ces objets contribueront à une plus-value. Stevie Wonder va bien s’installer au Ghana…»

« Ces restitutions ne doivent pas se faire d’État à État: les objets doivent revenir aux propriétaires initiaux. »

ANNE WETSI MPOMA

GALERISTE ET MEMBRE DU COMRAF

Autre membre de la diaspora, Didier Claes, marchand d’art bruxellois de réputation mondiale, sillonne le continent africain. Il tempère: «La restitution concerne surtout les élites panafricanistes européennes. Les simples citoyens ont d’autres préoccupations. Nous avons moins envie de repentance que solder les comptes symboliques et matériels».

« La restitution concerne surtout les élites panafricanistes européennes. Les simples citoyens ont d’autres préoccupations. »

DIDIER CLAES

GALERISTE SPÉCIALISÉ EN ARTS PREMIERS

Le plan du secrétaire d’État lui semble recevable, mais un point l’étonne: «Dans bien des cas, on connaît la descendance. Je reprends l’image de Thomas Dermine, le menu larcin de sa fillette et je m’interroge: faut-il rendre au directeur ou à l’enfant, c’est-à-dire aux héritiers?»

Henry Bundjoko répond: «C’est l’art du Congo, et je ne vois pas de conflits de communautés». Au Sénégal, Malick Ndiaye, conservateur du Musée Théodore Monod d’Art africain de Dakar est clair: «Restituons sans recréer de brouille, d’État à État». D’autant plus, précise Francis Tagro, que souvent les communautés d’origine, converties au christianisme ou à l’islam, s’en désintéressent.

Mémoire, prudence et conscience

La sécurité des collections est une question récurrente: Abdou Sylla, contrôleur des musées de l’IFAN, L'Institut fondamental d'Afrique noire, à Dakar, constatait en 2005 la disparition de 10.000 pièces du Musée Théodore Monod. À Abidjan, Francis Tagro croit ces craintes légitimes: «Nos réserves ont des portes blindées, mais tous les musées africains ne sont pas sûrs et il est vrai qu’un conservateur mal rémunéré peut céder à la tentation» […]    ▶ ► LIRE L'ARTICLE COMPLET


(SOURCE) : lecho.be SOURCE / LIRE L'ARTICLE COMPLET

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