France

[France][bsummary]

Europe

[Europe][bsummary]

International

[International][bsummary]

SCI-TECH

[SCI-TECH][bigposts]

Faits divers

[Faits divers][twocolumns]
Suivez nous sur :

[SCI-TECH] Pollution automobile : qui veut tuer la future norme européenne de lutte contre les particules fines et le dioxyde d'azote (NO₂) ?

Les constructeurs automobiles se rebiffent à grands frais contre les futures normes antipollution Euro7, dont la première ébauche doit être présentée par la Commission Européenne avant la fin de l'année 2021. Dans un rapport, l'organisation Transport & Environnement déplore ces manoeuvres dilatoires et financières alors que la technologie est à notre portée et concerne un enjeu de santé publique.

Image d'illustration

Par : Rachel Mulot / sciencesetavenir.fr

"Le lobby automobile européen dépense des millions d’euros - 9 millions rien qu'en 2020 ! - pour amoindrir la portée de la future norme antipollution Euro7, et ce avec un argumentaire pitoyable et éculé sur le plan économique et technologique !" Diane Strauss, directrice France de l’organisation environnementale Transport and Environment (T&E) ne mâche pas ses mots, alors que son association publie un rapport, ce 23 septembre 2021, sur "les coups fourrés de l'industrie automobile pour enrayer la mise en place de normes européennes contraignantes en matière d’émissions".

"Le secteur automobile préfère payer des amendes plutôt que de mettre en oeuvre des mesures profitables à la santé"

L'organisation T&E s'est faite connaître auprès du grand public en 2015 après avoir annoncé de façon prémonitoire la fraude de Volkswagen, qui minorait les résultats des tests de productions polluantes de ses véhicules. Le scandale du "dieselgate" a coûté au final, plus de 32 milliards d’euros en sanctions et en indemnités au constructeur allemand. "Mais l'industrie ne renonce pas à ses vieilles pratiques" regrette aujourd'hui Diane Strauss, auprès de Sciences et Avenir : "En juillet 2021, la Commission européenne a encore condamné Volkswagen et BMW à une amende de 875 millions d’euros pour avoir conspiré avec Daimler afin de retarder le développement et l'utilisation de 'Systèmes sélectifs de technologie de Contrôle des émissions de Réduction catalytique' (SCR), une technologie mature qui diminue les émissions toxiques de dioxyde d'azote, pointe-t-elle. Le secteur préfère payer des amendes et des sommes monstrueuses de lobbying plutôt que de mettre en oeuvre des mesures qui profiteront à la santé de tous !"

Qu’est-ce que la norme Euro7 qui dresse aujourd'hui, à nouveau, T&E face aux constructeurs automobiles ? Concrètement, c'est celle qui définira les émissions des véhicules automobiles commercialisés à partir de 2025. Elle devrait amener à une diminution significative des seuils d'émissions de la plupart des polluants par rapport à la norme précédente, dite Euro6. Seraient inclus les particules fines et le dioxyde d'azote, qui sont désormais associés à l'augmentation des accidents cardio-vasculaires chez les jeunes, mais aussi des polluants jusqu'à présent non réglementés comme les particules très fines (inférieures à 23 nanomètres) issues du freinage des pneumatiques, qui s'infiltrent dans le corps humain et sont suspectées d'avoir un lien avec des cancers du cerveau.

Une ébauche des normes Euro7 avant la fin 2021

La Commission Européenne, qui a fait de la réduction de la pollution atmosphérique une priorité du Pacte Vert européen, doit faire des propositions initiales concernant Euro7 d’ici la fin de cette année 2021. Pour ce faire, elle étudie les recommandations d’experts indépendants et a demandé au Consortium de la Commission européenne pour les très faibles émissions des véhicules, CLOVE  (Commission’s Consortium for ultra Low Vehicle Emissions),  de formuler un scénario réaliste sur les plans économique et technique.

Par rapport aux normes d’Euro6, le CLOVE suggère notamment qu'il est possible de faire passer l’oxyde d’azote (NOx) de 80 mg/km à 20 mg/km et de réduire les émissions de particules de plus de 80 %. "Les experts, qui ont passé plus de deux ans à chercher les meilleures technologies disponibles en matière d’émissions, font désormais face à une campagne agressive de l'Association européenne des constructeurs d'automobiles (ACEA), explique encore Diane Strauss. Elle argue, à l'instar de Carlos Tavares, patron de Stellantis (groupe né de la fusion du groupe PSA et de Fiat Chrysler Automobiles, ndlr) que la législation Euro7 équivaudrait à une interdiction des moteurs à combustion interne. C'est tout simplement faux ! " Elle s'alarme du fait que ces arguments ont déjà convaincu le ministre de l'Economie, Bruno Lemaire, qui estimait en avril 2021, dans Le Figaro : "Certaines propositions (pour Euro7, ndlr) qui circulent sont excessives. Nos constructeurs ne pourront pas suivre". 

Ruineux ou moins cher qu'un coup de peinture?

Le secteur automobile avance en effet qu’Euro7 coûterait trop cher et ne serait pas faisable techniquement. Pourtant, selon le rapport de T&E  "les technologies de contrôle des émissions ont beaucoup progressé depuis 2008, date à laquelle les normes actuelles Euro6 ont été adoptées". Ainsi, les catalyseurs électroniques peuvent réduire considérablement les émissions lors du démarrage à froid : le catalyseur de glissement d'ammoniac permet ainsi de diminuer les émissions de ce composé chimique à des niveaux proches de 1 mg/km en conduite quotidienne, tandis que les nouvelles technologies telles que l'aspiration sous vide peuvent atténuer les émissions de particules de métal provenant des freins.

"Grâce aux nouvelles technologies abordables, il coûte désormais moins cher de réduire significativement les émissions des véhicules que de faire repeindre une voiture" assure Anna Krajinska, ingénieure émissions chez T&E. Elle s'appuie sur l'audition, en juin 2021, auprès du Comité pour l'Environnement, la Santé Publique et la sécurité alimentaire, de Kerstin Jorna, directrice générale responsable du marché intérieur, de l'industrie, de l'entrepreneuriat et des PME à la Commission européenne.

Cette dernière estime que l’adoption de technologies propres en matière d’émissions dans le but de respecter les normes d’Euro7 "ne relèverait le prix d’une voiture que de 100 à 500 € " ce qui représente moins que le prix d’une nouvelle peinture d’une voiture entrée de gamme telle que la Golf Volkswagen ou la Ford Fiesta (qui peut atteindre 700 euros) ! Pour les camions, la conformité aux normes augmenterait le coût total de possession de moins d’1 % sur cinq ans. Les détails de ses calculs et les sources sur lesquelles elle s'appuie ne nous ont pas été communiqués jusqu'à présent. Interrogée sur la pertinence de ces chiffres, l'ACEA n'a pas répondu à Sciences et Avenir.

Un enjeu de santé publique

"La pollution atmosphérique due au transport routier coûte déjà aux citoyens de l'UE des dizaines de milliards d'euros en coûts de santé, en raison de l'impact négatif de la pollution atmosphérique" rappelle T&E. Les émissions des transports provoquent également des dizaines de milliers de décès prématurés évitables par an". Plus précisément, les coûts totaux pour 2016 sont estimés entre 66 et 80 milliards d’euros, presque entièrement dédiés aux soins de santé, estimait en 2020 l'European Public Health Alliance .
En 2015, les décès prématurés étaient estimés  à 42.000, dont 13.000 en Allemagne, 7.800 en Italie et 6.400 en France, selon l'International Council on Clean Transportation, ICCT.

L’ACEA brandit de son côté une étude avançant qu’Euro7 aurait un impact limité sur la réduction de la pollution de l’air et sur la santé publique. "Or, l’étude se base sur des normes d’émissions moins ambitieuses que celles en jeu, et contient de nombreuses failles, telles que l’omission des voitures à essence... qui représentent pourtant la majorité des voitures neuves vendues aujourd’hui !" s'insurgent Diane Strauss et les experts de T&E.

"Depuis plusieurs décennies, l’industrie automobile crie au loup quand il s’agit des normes d’émissions, prétendant que s’y conformer est impossible, trop cher, ou qu’elles mettent à mal les ventes. Tout cela pour finir par s’y conformer et s’attribuer tout le mérite une fois que la réglementation entre en vigueur ". Les normes Euro6, jugées irréalisables, onéreuses et inefficaces par les constructeurs automobiles, ont depuis fait leurs preuves, détaille le rapport, qui entend démontrer que leurs performances peuvent encore être largement accrues et qui s'appuie sur des tests en condition réelles sur les routes, dont les modalités sont toujours éloignées de celles menées par les laboratoires du secteur routier.

100 millions de véhicules concernés

Une fois entrée en vigueur, la norme Euro 7 établira des limites légales pour les quelques 100 millions de voitures à essence et au diesel qui seront vendues en UE entre 2025  et 2035, selon les estimations de T&E. Des véhicules qui tiendront la route 11 ans en moyenne, voire 15 ans en Europe du sud et de l’Est. L'association s'attend également à ce que les ventes de camions à moteurs thermiques se poursuivent au moins jusqu’au milieu des années 2030 et que nombre d’entre eux continuent de circuler pendant 12 ans minimum.

T&E demande donc de surcroît qu’Euro 7 comble les failles qui permettent aux véhicules de dépasser largement les limites légales, par exemple lors de fortes accélérations ou de courts trajets en ville. En milieu urbain, les camions peuvent ainsi émettre jusqu’à huit fois la quantité légale de NOx, parce que les tests officiels ne comprennent pas actuellement la conduite à vitesse réduite. Ce dernier exemple montre qu'une marge d'amélioration est encore possible sur les tests menés actuellement pour estimer les émissions produites par les différents véhicules.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans les commentaires sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à 01topinfo.fr ®