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Société : Comment la France des villes moyennes est devenue un coupe-gorge

L'insécurité n'est pas un sentiment, mais une réalité bien documentée. Valeurs actuelles est allé à la rencontre de ceux qui la vivent en pleine figure. Des quartiers périphériques, elle s'est imposée jusqu'aux villes moyennes et aux villages, les faisant basculer dans la peur. Enquête.

Image d'illustration

À Montauban (Tarn-et-Garonne), Emmanuel meurt sous les coups de gens du voyage déchaînés, parce qu’il défendait sa femme importunée. À Montgeron (Essonne), Yanis ploie sous ceux d’une bande de racailles, parce qu’il est homosexuel. À Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), Yassine projette sa professeur sur le sol de la salle de classe, parce qu’elle lui demandait de couper son enceinte Bluetooth. À Saint-Leu-la-Forêt (Val-d’Oise), Julien encaisse des coups de pieds et de poings assénés dans un train, parce qu’il est flic. À Alençon (Orne), une trentaine d’émeutiers brûle des dizaines de voitures parce qu’elles sont sur leur “territoire”. À Villeneuve-d’Ascq (Nord) et à Argenteuil (Val-d’Oise), d’autres visent au mortier d’artifice le commissariat de police, parce qu’il matérialise l’ordre honni. À Cannes (Alpes-Maritimes), un policier est poignardé au thorax au cri d’« Allahu akbar », car il représente la France.

Survenus en l’espace de quelques jours, ces si mal nommés “faits divers”, qui ont en commun la futilité de leurs motivations, démontrent le caractère endémique de la violence en France. Chaque jour, on dénombre en moyenne 120 agressions au couteau dans le pays. Partout, tout le temps, les Français peuvent faire une rencontre qui bouleversera leur vie, avec une probabilité encore plus grande que s’ils jouaient à la loterie.

Le recul de l’État et le retour des tribus

Partout, tout le temps, les forces de l’ordre démontrent leur efficacité, lorsqu’elles sont dotées de moyens, et la justice son inanité, même si les siens sont renforcés. À Bordeaux, un Tchadien de 21 ans, qui venait d’être régularisé après huit années de clandestinité, n’avait-il pas écopé de six mois de détention “en placement extérieur” après avoir agressé sept personnes en une heure, dont des policiers ?

Puis une évidence, inlassablement constatée : « Les étrangers sont systématiquement surreprésentés dans toutes les catégories pénales, au-dessus de 9 % », indique Pierre-Marie Sève, jeune délégué général de l’Institut pour la justice, qui alerte l’opinion et les politiques à coups de tribunes et de rapports éloquents. « Depuis trente ou quarante ans, les Français ont adopté des stratégies d’évitement, ont changé de comportement et se sont habitués à la violence. Dans les années 1960, personne ne fermait sa voiture à clé en allant chercher le pain », rappelle-t-il, amer.

« La France n’est pas un coupe-gorge », clamait après son entrée en fonction le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Preuve est pourtant faite du contraire, tous les jours, dans toutes les couches du pays, où Valeurs actuelles a enquêté.

À Lyon d’abord, où le quartier de la Guillotière démontre avec fracas que l’ensauvagement, longtemps circonscrit aux banlieues des grandes métropoles, s’invite durablement jusque sous les fenêtres des bobos, avec le concours de leur cécité. À Aix-en-Provence ensuite, où la réputation de ville bourgeoise tend à s’estomper pour rejoindre les pires scénarios marseillais du film Bac nord. À Carcassonne aussi, où les scènes de barbarie n’appartiennent plus au folklore moyenâgeux mais au quotidien de flics courageux, déjà astreints à la surveillance de la cité médiévale. À Sens, enfin, dans le quartier des Champs-Plaisants, le seul du pays à avoir été placé sous couvre-feu après les attentats de Paris, en novembre 2015.

Villes moyennes, quartiers gentrifiés et même zones rurales – on a enregistré une hausse de 8 % des violences en zone gendarmerie en 2020, malgré le confinement – aucune portion du pays n’échappe à l’enracinement de l’insécurité. À quelques exceptions près. Orange, Perpignan ou même Cannes : certaines villes du Sud font figure d’irréductibles villages gaulois, où l’action des maires de droite parvient à endiguer, avec plus ou moins de succès, la progression du fléau. Polices municipales survitaminées, moindre écart sévèrement sanctionné, population conditionnée : la recette de compensation des défaillances de l’État donne des raisons d’espérer et montre que là où il y a une volonté, il y a un chemin un peu moins semé d’embûches.

« Les Français, fatalistes et résignés, se disent que cela a toujours été comme ça. Mais l’insécurité n’est pas normale. Dans aucun pays en Occident, la situation n’est aussi grave. Il faut se bouger », alerte Pierre-Marie Sève

Et si les causes profondes étaient plus d’ordre civilisationnel que conjoncturelles ? « Notre société ne sait plus purger, canaliser, “ catharsiser ” la violence », explique Michel Maffesoli auprès de Valeurs actuelles . Auteur de l’Ère des soulèvements (Les Éditions du Cerf), le sociologue voit, plus encore que dans « l’hystérie sanitaire » d’aujourd’hui, « le phénomène de tribalisme » né hier à l’origine de cette épreuve. « Nous avons quitté la modernité, où prévalaient l’individualisme, le progressisme et le rationalisme. Nous entrons dans la post modernité, où dominent le “nous” plutôt que le “je”, l’émotionnel et le retour à la communauté, pour le meilleur et pour le pire : les tribus d’entraide, de partage. Et les tribus islamiques et violentes. »

Le géographe Christophe Guilluy, théoricien de la France périphérique, ou le politologue Jérôme Fourquet, analyste de l’archipélisation du pays, ne diraient pas autre chose. Installé sur des plaques tectoniques mouvantes, l’Hexagone paraît en plein morcellement. Plus que par une série d’ajustements court-termistes, le salut de la civilité passerait-il par une véritable politique de civilisation dans le temps long ? « Plus on attend, plus on va s’enfoncer dans cette spirale, alerte Pierre-Marie Sève. Les Français, fatalistes et résignés, se disent que cela a toujours été comme ça. Mais l’insécurité n’est pas normale. Dans aucun pays en Occident, la situation n’est aussi grave. Il faut se bouger ». Message reçu ?

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