Réaction face à l'offensive de Poutine : L’Allemagne va-t-elle acheter un bouclier anti-missiles ?

C'est l'une des surprises du conflit en Ukraine. Une réaction en chaîne face à l'offensive de Poutine a complètement rebattu les cartes d'un Vieux Continent qui s'apprêtait, selon Laurent Fabius, décidément grand pourvoyeur de petites phrases pleines de bon sens, à toucher « les dividendes de la paix ». Parmi les effets de bord, il y a la peur de l'Allemagne et son souhait de passer par Israël pour se protéger des Russes.

Par : Arnaud Florac

L'Allemagne, effrayée, semble-t-il, par l'offensive russe en Ukraine, s'est aperçue d'un fait que des décennies de repentance collective avaient réussi à lui faire oublier : la démilitarisation complète n'est pas un gage de bonne volonté mais de faiblesse, sur une scène internationale dont la caractéristique a toujours été l'absence de bons sentiments. Le gouvernement fédéral, aussi sec, a donc mis cent milliards d'euros sur la table pour développer sa réponse militaire. Les Allemands, on a beau dire, quand ils décident de faire un truc... Deutsche Qualität, comme dit la publicité.

Parmi le nouveau panel de capacités dont l'Allemagne souhaite se doter, on trouve - détail qui n'en est pas un -, l'hypothèse d'un bouclier antimissiles. Ce type de programme existe déjà en Israël, sous le nom de Dôme de fer, et a pour but d'arrêter les roquettes tirées par le Hamas depuis la bande de Gaza. Une délégation de parlementaires allemands s'est rendue, la semaine dernière, en Israël pour conduire ce qu'on pourrait appeler une étude de faisabilité. Les Israéliens ont chaleureusement accueilli la délégation et lui ont fait les honneurs de leur arsenal. Toutefois, il y a un petit détail : l'armement bloqué par le Dôme de fer n'est pas exactement du même niveau que les missiles balistiques dont dispose la Russie. Il est assez peu probable que le système israélien soit en mesure d'intercepter les armes de haute technologie développées par les Russes.

ICI ► Inscrivez-vous et recevez gratuitement la newsletter matinale

Qu'à cela ne tienne : les Israéliens ont un autre système, baptisé Arrow 3, qui est spécialisé dans les interceptions de missiles de portée intermédiaire. Intermédiaire, c'est exactement l'adjectif qui convient pour caractériser la distance qui sépare l'enclave russe de Kaliningrad du territoire allemand. Kaliningrad, jadis Königsberg, en Prusse-Orientale, fut la ville de Kant (« le Chinois de Königsberg », disait méchamment Nietzsche pour critiquer son équanimité). Annexée par l'Union soviétique en 1945, elle regorge de missiles russes de type Iskander, dont la portée est précisément intermédiaire. On comprend mieux l'angoisse des Allemands.

Toutefois, là encore, il y a un hic : Arrow 3 n'a jamais été testé en conditions réelles. Par ailleurs, les autres systèmes antimissiles occidentaux (en Roumanie et en Pologne) sont orientés vers le sud - c'est-à-dire en prévision d'une attaque... iranienne. Enfin, le coût global d'un tel achat, sans aucune garantie d'efficacité, entre le prix de l'équipement et sa maintenance, ne pourrait pas être supporté par le gouvernement allemand seul. Il y a un peu de mou dans la Défense européenne, semble-t-il.

Cet événement, au-delà du fait qu'il montre la fébrilité allemande face à une hypothèse d'agression russe absolument pas avérée (et assez peu probable à ce jour), pose également la question d'une course aux armements contre-productive. Les Russes, face à un bouclier qu'ils jugeraient efficace (ce qui n'est, rappelons-le, pas encore le cas), relanceraient probablement leurs recherches pour inventer une nouvelle génération de projectiles qui déjoueraient les défenses européennes.

Les commentateurs peuvent toujours enfiler les clichés comme des perles : retour du tragique, surprise stratégique, etc. La réalité qui se cache derrière ces mots un peu creux est celle d'un affolement général et d'une cruelle impréparation des États membres de l'Union européenne.

(SOURCE) : bvoltaire.fr SOURCE / LIRE L'ARTICLE COMPLET