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[TOP EXCLUSIF] Madagascar : affaire d’Etat et silence embarrassant de la France

Ancien saint-cyrien, colonel d’infanterie de marine, Philippe François, emprisonné depuis quatre mois à Madagascar, est accusé d’avoir voulu tuer le Président. L’Elysée étouffe l’affaire. Sa fille nous livre son analyse et s’élève contre l’indifférence générale. Le procès s’ouvre lundi 6 décembre.

Image d'illustration

Une histoire embarrassante pour la France mais une affaire d’Etat pour Madagascar. Le 21 juillet, le Français Philippe François, ancien élève de Saint-Cyr, colonel d’infanterie de marine, est arrêté à l’aéroport international d’Ivato alors qu’ils allaient embarquer pour Paris. Au même moment, une vingtaine de personnes, parmi lesquels le franco-malgache Paul Maillot Rafanoharana, lui aussi ancien officier passé par Saint-Cyr, sont arrêtés par la police. Tous sont accusés d’avoir préparé « un plan d’élimination et de neutralisation de diverses personnalités malgaches dont le Président de la République Andry Rajoelina ». Un coup d’Etat organisé, selon la Procureure locale, sous le nom de code Apollo 21, en référence au programme d’exploration lunaire de la Nasa.

Selon le dossier d’instruction que Valeurs actuelles a pu consulter, l’objectif était de « mettre fin au régime voyou, mafieux et corrompu »,  … , « le surnom Rayan ayant été donné au Président de la République comme il (l’inculpé, NDLR) ne cherchait qu’à sauver le soldat Rayan en neutralisant la mafia autour de lui. » Toujours selon la procureure, les perquisitions effectuées chez les principaux suspects auraient permis de découvrir une somme équivalente à 900 millions d’ariary en espèce (soit 200 000 euros), un fusil à pompe calibre 12 avec six cartouches, des appareils numériques et informatiques ainsi que deux véhicules ayant servi au transport des fonds. Aucune autre preuve dans le dossier d’instruction. Dès lors, l’enquête pour «atteinte à la sûreté de l’Etat » est rapidement bouclée fin août. Le procès, plusieurs fois annoncé en octobre puis en novembre, doit finalement s’ouvrir ce lundi 6 décembre. Soit 137 jours après l’incarcération de Philippe François à la prison de haute sécurité de Tsiafahi.

A l’évidence, Philippe François n’est pas un enfant de chœur. Selon des anciens de sa promo Lieutenant Paul Morel à Saint Cyr -la même que le Général Pierre Schill, chef d’Etat major de l’Armée de Terre-, c’est « une grande gueule avec un humour au 15ème degré », « une très forte personnalité », « un soudard ». L’hérédité peut avoir joué. Son père, officier de la Légion, a commandé le 2ème REI à Nîmes. Un personnage de l’armée « haut en couleur ». Contrairement à son père, Philippe choisit l’infanterie de marine. Il participe à de nombreuses Opex (Kosovo, Tchad, Comores, Bosnie et Croatie) et commande le célèbre Régiment de Marche du Tchad (RMT) après avoir été breveté de l’École de Guerre « Un type extrêmement intelligent, major d’intégration à Saint-Cyr en lettresqui a eu un très beau parcours militaire » juge Hugues de la Giraudière, qui le connait depuis l’âge de 15 ans et qui a partagé sa chambre en Prépa militaire. Il poursuit : « S’il y a bien quelqu’un qui sait qu’on ne réussit pas un coup d’Etat avec 200 000 euros et un fusil à pompe, c’est bien luiA l’École de Guerre, on n’apprend pas cela…». Sa vie familiale est plus décousue. Marié deux fois, il a six enfants, dont quatre de son premier mariage. Il vivait avec sa nouvelle compagne Brigitte depuis sept ans.

En 2013, Philipe François quitte l’armée pour se reconvertir dans la sécurité civile. Il est embauché à la FNAC pour assurer la sûreté du groupe alors présidé par Alexandre Bompard, puis chez FM Logistic et Xpo. « Dans le civil, il était comme un éléphant dans un magasin de porcelaineIl avait un côté aventurier » glisse une source. En janvier 2020, il quitte la France pour Madagascar et devient directeur dans une entreprise de traitement de données. Mais il ne fait pas l’affaire. En quête d’un nouveau job, il fait la connaissance d’un franco-malgache Paul Maillot Rafanoharana lors d’une soirée à l’Ambassade de France. Lui aussi a fait Saint-Cyr, promotion général Monclar (celle du Général Lecointre) mais les deux hommes ne s’y sont pas croisés. Après avoir servi dans la gendarmerie en France, Paul Maillot regagne Madagascar où il devient conseiller du gouvernement. Son nom circule comme potentiel premier ministre. Sur LinkedIn, il se présente comme coach et conseiller de l’archevêque malgache d’Antananarivo. En décembre 2020, il crée le fonds d’investissement Tsarafirst et propose quelques semaines plus tard la direction du fonds à Philippe François.  « Que Paul Maillot ait trempé dans des affaires de renversement du pouvoir, c’est possible » glisse un observateur.Très introduit dans les milieux non seulement politiques mais aussi économiques, Paul Maillot représente certainement une menace pour le Président Malgache. A t-il embarqué avec lui Philippe François dans une tentative de coup d’Etat ? « Je n’y crois pas un instant, c’est un pied nickelé » répond cette source civile. « Tout au plus, a t -il pu raconter des bêtises contre le pouvoir au cours d’une soirée bien arrosée . « Ses liens avec Paul Maillot s’étaient distendus ces derniers mois » affirme Hugues de la Giraudière. « Philippe sert de caution, c’est une victime collatérale des relations qu’il a eues sur place » ajoute un autre.

Dans l’île, deux thèses s’affrontent : le fonds dirigé par Paul Maillot aurait investi ou dans l’exploitation pétrolière, sous contrôle des intérêts chinois, et/ou dans la filière aurifère, chasse gardée du pouvoir malgache.  « Quand il nous a parlé de son nouveau boulot, mon père nous a dit que le secteur aurifère pouvait présenter de belles opportunités. » avance sa fille « Mais, très vite il nous a dit que des barrières se dressaient, qu’il n’allait pas insister et qu’il voulait rentrer en France ». Lorsqu’il est arrêté le 21 juillet à l’aéroport avec sa compagne Brigitte, Philippe François s’apprêtait à quitter définitivement le pays. Sa malle maritime était bouclée. Il rentrait aussi pour le mariage d’une de ses filles. « Quelqu’un qui prépare un coup d’Etat ne s’enfuit pas avec sa femme, ca n’existe pas, même pas dans un film » poursuit Hugues de la Giraudière. Avec une vingtaine d’anciens de Saint-Cyr, il a créé un site internet « soutenons-philippe » et une cagnotte pour financer son procès et organiser son retour. Le général Schill œuvrerait également discrètement mais activement pour sa libération.

En France, personne ne croit à la thèse du putschiste…sauf à l’Ambassade de Madagascar où on laisse planer le doute. Aucun communiqué officiel. «Il ne faut surtout pas rentrer dans cette histoire, tout est pris en main par la justice et les forces de l’ordre malgaches : ils veulent garder cela garder très secrètement» nous répond  le conseiller malgache Nary Andriamialyarison. Il coupe court : « Tout est raconté dans la presse africaine et malgache ». Le procès doit « prouver la vérité sur l’existence des ennemis de ce pays et ce sera l’occasion pour nos dirigeants de montrer leur prédisposition à démontrer leur détermination à dénoncer publiquement leurs adversaires » selon le média Midimadagasikara.

Qui est l’ennemi ? Toujours selon la presse locale, l’Ambassadeur de France à Madagascar Christophe Bouchard figurerait aussi « parmi les cerveaux de l’affaire Apollo21 » et serait en train de préparer sa fuite afin d’échapper à la justice malgache. La gazette de l’île va plus loin et écrit : « On nous rapporte que le déroulement de cette affaire n’avancera pas avant le départ de cet ambassadeur ». Ambiance. A Paris, une source confirme : « Le Président malgache veut la peau de l’Ambassadeur de France, il ne le supporte pas ».

Des tensions diplomatiques existent bel et bien au sujet des îles Eparses de l’Océan Indien, oubliées dans le traité d’indépendance de 1947, revendiquées par Madagascar mais administrées par la France. Des îles riches en réserves pétrolières et gazières qui représentent un enjeu économique important. Officiellement, le Président Andry Rajoelina assure qu’il n’a pas « de problèmes personnels dans (ses) relations avec la France », mais ne se prive pas pour dire que « parmi les cerveaux de l’assassinat figure un colonel français qui a commandé des régiments au Tchad, au Kosovo et en Afghanistan ». 

Ce qui est certain, c’est que l’affaire Apollo permet de faire diversion et de détourner l’attention du plus grand nombre de Malgaches des résultats de son gouvernement et de la grave crise que traverse le pays : récession économique, famine, épidémie de choléra en plus de celle du Covid… « C’est un dossier politique et géostratégique. Pour l’Etat malgache, il y a un double enjeu : faire pression sur la France pour tenter de déstabiliser son combat pour les îles Eparses et faire oublier les difficultés intérieures, que ce soit le covid ou la famine au sud de l’île  » décrypte l’avocat de Philippe François en France, Maître Villepin. Il rappelle que les arrestations du 21 juillet sont intervenues, curieusement, juste avant le voyage officiel en France du Président Rajoelina.

Sollicité par Valeurs actuelles, le Quai d’Orsay s’est contenté de nous répondre que « tous les services du Ministère et de l’Ambassade de France à Madagascar suivent avec attention la situation de Philippe François ». Comme tout ressortissant qui en fait la demande, le détenu reçoit des visites consulaires (sa famille nous indique qu’elle a insisté pour que ces visites aient lieu une fois par mois) en plus de celle de son avocat qui lui apporte chaque semaine de quoi manger et qui lui imprime ses mails. « Le Quai d’Orsay nous dit qu’il fait ce qu’il peut et essaie de nous faire croire qu’ils n’ont pas d’infos sur le fond du dossier mais c’est faux » poursuit sa fille. La famille n’a jamais rencontré Franck Paris, le Monsieur Afrique de l’Elysée, ni personne du Ministère des Affaires étrangères en dehors des responsables de la protection des Français de l’étranger. Un climat d’indifférence générale.

L’avocat poursuit : «Philippe François était la cible idéale pour l’Etat malgache, militaire, saint-cyrien. Mais c’est aussi ce profil qui explique le silence du Quai d’Orsay et de l’Elysée ». Et conclut : « Il s’agirait d’un touriste parti en voyage de noce, le gouvernement aurait envoyé les Forces spéciales pour le libérer ! ». Sa fille ajoute : « Ce silence de l’Etat est affligeant. Mon père a servi la France pendant 25 ans, la moindre des choses serait de lui renvoyer l’ascenseur plutôt que de le laisser pourrir depuis quatre mois à Madagascar. » Elle et sa famille espèrent une libération pour Noël.

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