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Migrants : Crise à la frontière polonaise « le bon, la brute et le naïf ! »

L’Histoire, la vraie, celle qui passe sous les radars des élites politiques et médiatiques se fait de plus en plus insistante. Cette fois-ci c’est à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie qu’elle se montre, au vu et au su de tous sauf de ceux qui refusent de voir la réalité en face. Non pas sous la forme d’une crise migratoire, encore moins d’une crise humanitaire mais bel et bien d’une crise géopolitique, d’une guerre hybride dans laquelle les migrants sont utilisés comme des armes massives d’extorsion et de déstabilisation.

Image d'illustration

Dans le rôle du « bon », la Pologne, sans aucun doute, qui au prix d’une mobilisation logistique et militaire défend son intégrité territoriale et du même coup, celle de toute l’Union Européenne.

Dans celui de la « brute », la Biélorussie de Lukaschenko qui n’hésite pas à acheminer, avec une cynique efficacité, des milliers de migrants du Moyen Orient et d’Afrique Subsaharienne jusqu’aux frontières polonaises, lituaniennes et lettones. A travers la Turquie notamment, et en connivence avec les trafiquants d’êtres humains, des milliers de migrants ont atterri à Minsk et ont été conduits en autobus par les autorités jusqu’aux limites de l’Union Européenne où ils sont encadrés (harcelés et molestés) par l’armée biélorusse. Des soldats, au passage, qui multiplient les incidents avec les troupes polonaises, notamment en mettant en joue leurs gardes-frontières et en envoyant leurs drones sur le territoire polonais. Une opération savamment orchestrée depuis cet été en représailles contre les récentes sanctions infligées par l’Europe à la Biélorussie.

Et dans le rôle du naïf ? L’Union Européenne, dans son rôle de composition habituel. Certes, la Commission a reconnu sans ambages qu’il s’agissait d’une guerre hybride et d’un chantage. Elle a dénoncé les agissements de Lukashenko dans des termes virulents et a même réussi à tarir le trafic aérien en direction de Minsk en menaçant les compagnies aériennes qui s’y livraient. Des pas dans la bonne direction, ce n’est pas négligeable, mais reste un problème de fond : quand bien même l’UE établirait le bon diagnostic, elle n’en tire pas les inévitables conséquences.

Un manque de réalisme politique.

Conséquences politiques tout d’abord. Quelle indécence d’entendre tant de voix (par exemple celle du Président du Parlement Européen) sommer la Pologne à demander de l’aide à l’UE. Dans un moment aussi tendu, le seul message de l’UE à la Pologne devrait être un soutien sans failles. Et quelle ignorance dans ces sommations. D’une part, l’Agence Européenne des Frontières (Frontex) aide déjà la Pologne comme elle le peut (notamment à travers des images satellites) et d’autre part car elle ne peut pratiquement pas l’aider davantage ! Alors que cette dernière a déjà mobilisé 13 000 gardes-frontières et 12 000 soldats, Frontex ne pourrait en envoyer que quelques centaines, tout au plus. Tout est dit : dans une situation d’escalade militaire aussi grave, les forces nationales sont les mieux placées pour y faire face. Personne d’autre. Si la Pologne devait demander de l’aide à quelqu’un ce ne serait non pas à l’UE, mais à l’OTAN ! Et finalement, quelle hypocrisie : qu’il est surprenant d’entendre le Parlement Européen et la Commission faire pression sur le gouvernement polonais pour que Frontex intervienne alors qu’ils étaient les fers de lance d’une campagne virulente contre cette agence il y a à peine quelques mois. Quel en fut le prétexte ? Ces garants des essences politiquement correctes de l’Union reprochaient à ce corps de gardes-frontières de remplir son rôle au lieu de se comporter en ONG institutionnelle. Il semblerait que les meilleurs ennemis de Frontex se trouvent plutôt à Bruxelles, qu’ à Varsovie.

Adapter la politique migratoire de l’UE.

En outre, l’UE doit impérativement adapter sa politique migratoire et la regarder en face avec des lunettes géopolitiques et non seulement humanitaires. Si les migrants sont utilisés comme des armes de guerres hybrides, pourquoi la Commission se montre-elle si réticente à financer les murs et autres barrières, pourtant efficaces ? Si le droit d’asile est largement détourné pour favoriser la migration illégale, y compris par des organisations terroristes, pourquoi continuer à sanctifier le principe de non-refoulement ? Douze Etats membres (dont la Hongrie) ont récemment réclamé à la Commission de financer les protections qu’ils érigent et de mettre le droit européen au diapason de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui (incroyable, mais vrai) reconnaît le droit des états de refouler les migrants qui forcent l’entrée du territoire en dehors des points de passage prévus.

Cela suffira-t-il à faire bouger les lignes ? J’en doute. Bruxelles reste un environnement perméable à la pression de la « société civile » et au chantage émotionnel auquel se livrent de nombreux médias. Embourbée dans ses propres dilemmes, l’Union se paralyse à chaque crise migratoire, déchirée entre la réalité géopolitique et les aveuglements idéologiques du Parlement et de la Commission Européenne. Une faiblesse qui n’échappe pas à Lukashenko et à bien d’autres voisins (Turquie, Maroc) qui l’exploitent sans scrupules afin de déstabiliser une Union désunie par tant de conflits internes…et inutiles. Quand l’Histoire frappe à la porte, il est irresponsable et stupide de s’égarer dans des croisades morales, des chantages financiers et des conflits de compétences qui minent la confiance mutuelle. Au contraire, quand l’Histoire montre son visage le plus menaçant, il vaut mieux soutenir les « bons », identifier et affronter les « brutes », et surtout, surtout, ne pas être le plus aveugle des naïfs.

Rodrigo Ballester, ancien fonctionnaire européen, dirige le Centre d’Etudes Européennes du Mathias Corvinus Collegium à Budapest, Hongrie.

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