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Ce que les Français devraient savoir d’Emmanuel Macron

Avec le Traître et le néant, Davet et Lhomme dressent l'antiportrait du chef de l'État et dévoilent les dessous de l'exercice solitaire de sa présidence.

Image d'illustration

Par : Raphaël Stainville

Il n’est pas encore officiellement candidat à sa propre succession. Mais qui doute qu’Emmanuel Macron ne le soit déjà ? C’est bien tout l’intérêt de cette enquête signée de Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Dix ans après Sarko m’a tuer, cinq après “Un président ne devrait pas dire ça… ” qui devait précipiter la décision de François Hollande de renoncer à se présenter, les deux journalistes du Monde s’attaquent au cas Macron.

L’actuel chef de l’État s’est bien gardé de leur ouvrir les portes de son palais pour les aider dans leur entreprise. Aucune confidence d’Emmanuel Macron ne vient pimenter leur enquête. Et pour cause. Le précédent livre de Davet et Lhomme a même été érigé « en contre-modèle » de communication par le chef de l’État lui-même. « Les journalistes sont une espèce dangereuse, susceptible de vous apporter de gros ennuis pour peu qu’on les laisse fouiller dans les tiroirs du pouvoir », juge Sylvain Fort, qui fut le premier à diriger la com du chef de l’État.

Pas question donc que le président s’adonne au même travers que son prédécesseur. Cette règle vaut pour les collaborateurs du chef de l’État, le premier cercle, les intimes du couple présidentiel, les visiteurs du soir, les ministres en exercice, les ex du gouvernement. Gérard Collomb, ancien ministre de l’Intérieur, s’en excuse auprès d’eux : « J’ai lu vos livres et je les ai aimés, mais j’ai compris à leur lecture toute la vertu du silence. »

« Chacun pensera que je l’ai achevé, mais je n’ai rien fait »

On aurait vite fait d’en conclure que dans ce système où l’opacité fait figure de loi il est inutile d’ouvrir ce livre. La presse, souvent paresseuse quand elle n’entend pas davantage servir le pouvoir, s’est presque fait un devoir d’ignorer l’enquête de Davet et Lhomme – ou d’user de stratagèmes pour faire mine d’en parler sans rien dire de ce qu’elle raconte. C’est l’exploit majuscule que le Journal du dimanche a accompli au terme d’un article tout entier consacré à la juteuse entreprise éditoriale de Davet et Lhomme. Les journalistes du Monde promettent une enquête et des révélations sur Emmanuel Macron et son entourage. Le JDD enquête sur une PME journalistique florissante. « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt », assure le proverbe…

La matière est pourtant surabondante pour qui veut comprendre la trajectoire d’Emmanuel Macron et sa manière de gouverner la France. La séduction, d’abord, qu’il exerce. Il a, comme le dit drôlement Jean- Christophe Cambadélis, « les yeux de Thatcher et le déhanché de Jackson ». Une allure cool et un cerveau de tueur qui n’a de cesse d’impressionner ses interlocuteurs. Une ambition, aussi, qui ne laisse rien au hasard, planifie et organise si bien le coup d’après, avec l’art de se faire des obligés, qu’Olivier Marleix, député LR, en vient à penser que celui qui était ministre de l’Économie a mis en place « un système qui peut être interprété comme un pacte de corruption ». En cause notamment, la vente d’Alstom… dont un certain nombre de bénéficiaires d’honoraires mobiliseront plus tard leurs réseaux pour financer la campagne d’Emmanuel Macron.

La trahison ensuite. La trahison de celui qui fut le protégé de François Hollande. L’ancien secrétaire général adjoint s’est toujours défendu de cette accusation. Comment aurait-il pu être Brutus alors que Hollande était déjà politiquement mort ? « Chacun pensera que je l’ai achevé, mais je n’ai rien fait », se défend-il auprès d’Alain Minc, son mentor. Avant d’ajouter, cruel et définitif, cette sentence : « J’aurais signé le certificat de décès, car il est mort. »

Qui a trahi a peur d’être trahi

Cette trahison est documentée, établie, ourdie, pensée de longue date, assurent les auteurs, quand bien même Emmanuel Macron présente toujours ce sourire enjôleur et assure le contraire. « Le double jeu, c’est ce qui le définit », confie le banquier Matthieu Pigasse, son meilleur ennemi. Elle explique, selon la thèse que poursuivent Davet et Lhomme, la manière de gouverner d’Emmanuel Macron, l’extrême solitude du chef de l’État. « Qui a trahi a peur d’être trahi », philosophe Pierre Moscovici. « D’où l’extraordinaire médiocrité du personnel dont il s’entoure. On n’a jamais vu sous la Ve République un gouvernement aussi faible », tranche encore le premier président de la Cour des comptes.

À un proche, Dominique Strauss-Kahn livre cette confidence plus cruelle encore : « Sais-tu pourquoi Gérard Collomb n’a jamais été ministre d’un gouvernement socialiste ? Pourquoi Richard Ferrand, député vingt ans, n’a jamais été ministre ? Pourquoi Christophe Castaner, député vingt ans, n’a jamais été ministre ? Parce que ce sont des burnes ! Macron s’est entouré de burnes ! »

Davet et Lhomme ont fait sans Macron. Sans les membres de sa garde rapprochée. Mais qu’auraient-ils pu apprendre du premier cercle des macroniens quand ces derniers manient si bien la langue de bois et sont si prompts à entretenir la légende de Jupiter ? Macron entouré de sa cour, à les lire, n’est qu’un “roi-sommeil” qui n’aura rien fait de son pouvoir. Ou si peu. Ou si mal. À l’été 2021, sur 401 promesses de Macron, 68 ont été tenues. Triste bilan.

“Le Traître et le néant”, de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Fayard, 640 pages, 24,50 €.

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